J’ai testé l’une des plus grandes salles d’escalade au monde à Aubervilliers
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- J’ai testé l’une des plus grandes salles d’escalade au monde à Aubervilliers
Le long du canal à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), je marche d’un pas guilleret. Il fait beau, ce qui, pour un mois de janvier, n’était pas gagné, et le soleil se reflète joliment dans les eaux. Derrière moi, mon acolyte du mercredi – 14 ans, bientôt 15 – traîne un peu la patte. D’abord parce que la marche est rarement la folle passion d’un ado, et ensuite parce qu’il déteste les surprises. Or je ne lui ai pas dit où nous allions. – Dis-moiiiiii ! Allez, dis-moiiiii ! geint-il en traînant des syllabes comme ses baskets.
– On va à Climb Up, la plus grande salle d’escalade en intérieur du monde. Ça te va ?
– Moi ça me va, réplique ma progéniture, mais toi, comment tu vas faire vu que tu as le vertige ? Ah oui, tiens, c’est vrai… Je n’y avais pas du tout pensé. Certes, je ne suis pas du genre à me trouver mal perchée sur un tabouret, mais pas non plus celle qui se bat pour monter en haut de la tour Eiffel. Je hausse les épaules, on verra bien… D’autant qu’à Climb Up, nous décidons de faire passer le réconfort avant l’effort.
Une cuisine qui tutoie les sommets
C’est l’heure du déjeuner, aussi nous nous attablons à la Climb Up Kitchen, le restaurant chapeauté par le chef Zak qui a voulu répondre à la demande des grimpeurs : une nourriture saine et fun à la fois. Ma descendance opte pour le burger au poulet à la panure clairement maison et bien croustillante. Je choisis une salade Cobb fraîche et généreusement servie. Chouette, on trouve aussi à la carte les boissons Symples, des infusions glacées aux plantes qui ont la bonne idée de ne pas être trop chargées en sucres. Bon, il faut dire qu’on est quand même dans une salle d’escalade et que l’idée est de pouvoir se restaurer sans se plomber ni le ventre ni le portemonnaie. Un peu moins légers qu’à notre arrivée, nous quittons la vaste salle où cohabitent aussi bien grimpeurs pris d’une fringale, coworkers bien contents de trouver là un endroit agréable où poser leur ordi mais aussi grands parents en quête d’un lieu sympa pour déjeuner avec leurs petits-enfants.
5 000 m2 consacrés à l’escalade
On ne va pas se mentir : 7 000m2 d’espace au sol dont 5 000 consacrés exclusivement à l’escalade, ça fait son petit effet. On serait même tentés de parler de cathédrale de la grimpe avec des voies qui montent jusqu’au plafond. À vous ensuite de choisir comment vous vous hissez jusqu’au sommet avec d’un côté les blocs, qui reposent davantage sur la force des bras et la souplesse, de l’autre les voies qui font davantage appel à l’endurance et à la technicité. Chez Climb Up, on compte 500 voies – renouvelées tous les trois mois par les ouvreurs – et 170 mètres de linéaires blocs qui, eux, varient tous les mois et demi.
Comme nous sommes complètement novices, nous décidons de commencer par le fun climbing qui, comme son nom l’indique, est un espace ludique. Au choix, on gravit le haricot magique de Jack, une reproduction du jeu Tetris, ou des ballons géants. « Allez, le premier en haut ! », ordonne notre ado. Mais à quatre ou cinq mètres de hauteur, le vertige se fait sentir. Je redescends en réussissant à rater mon « atterrissage » : j’ai beau être encordée, je m’écrase au sol comme une grosse guimauve… J’entends La Solitudine, le tube de Laura Pausini, résonner dans ma tête. L’ado est déjà loin, en train de tester un toboggan à sensations. Avant de repartir crapahuter pour escalader une suite de petites échelles. Je me demande si c’est bien le même que j’ai dû littéralement hélitreuiller pour aller faire de la rando cet été en Savoie… On se dirige ensuite vers les voies pour un cours particulier avec Jérémie. Juste à côté de nous, un groupe de jeunes porteurs de handicap s’éclatent à grimper les 10 mètres de paroi. Je réalise que l’escalade est finalement un sport très inclusif, où l’on croise des publics très différents.
« Les gens n’ont pas le réflexe de lever la tête et de se regarder les uns les autres, m’explique Jérémie. Ici, si tu regardes quelqu’un, ce n’est pas pour le juger mais plutôt pour voir ce qu’il fait, apprendre de lui. On a tous en tête le grimpeur « plus fort » qui nous a aidés un jour ou l’autre. »
Chercher et trouver sa voie
Justement, c’est ce qui nous attend : être capable, sur la paroi, de fonctionner en binôme grimpeur/assureur. On apprend donc à faire le nœud de 8 et à réaliser les mouvements pour assurer. L’ado s’attaque au mur de 10 mètres et commence son ascension. Moi, je l’assure, avec Jérémie en back up. J’avoue ne pas être très sereine au fur et à mesure qu’il grimpe : je n’ai qu’un rejeton, ça m’embêterait qu’il finisse en crêpe… Mais, au fur et à mesure, je me détends. C’est assez chouette ce qui se joue entre le grimpeur et celui qui l’assure : tout ce qui passe juste par le regard et quelques mots. « Il y a beaucoup d’interactions », me confirme Jérémie. Je me rends compte alors que l’escalade est un domaine riche en métaphores et en images qui me parlent tout particulièrement : la corde qui me relie à mon fils et ce rôle d’assureur qui se doit d’être là, solide, mais à l’arrière-plan. La façon dont il s’agit littéralement pour lui de « trouver sa voie » sur ce mur parcouru de dizaines de prises de couleurs, histoire de se frayer un chemin. Au retour, alors que nous longeons le canal, il glisse sa main dans la mienne. « C’était vraiment trop bien », me répète-t-il, pour la troisième fois au moins. J’ai comme l’impression que cet après-midi, au-delà de la session d’escalade, il s’est passé autre chose d’un peu impalpable et émouvant.
Joséphine Lebard